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Bright Danso… le Jeune Maître du feu

Published on : juin 23, 2021By : Blawo Team

Bright Danso art Blawo

Bright Danso naît au Ghana le 13 juillet 1996 en région Oti. Cette dernière est située non loin de la frontière avec le Togo. Bright (lumière en français) utilise le feu pour réaliser ses œuvres. Cet artiste a expliqué à Blawo qu’il a un souhait : regrouper ses pairs ghanéens, puis Africains au sein d’une académie. Objectif : (re)donner aux arts une place centrale en tant que maillon de l’économie.

Le feu est dans Kwamé, son prénom Akan.
Pour tout Akan, travailler avec le feu semble une évidence. Ce groupe ethnique présent au Ghana et en Côte d’Ivoire étant très connu pour ses splendides parures riches en bijoux. C’est sans doute ce riche héritage spirituel qui a poussé le jeune Bright Danso à développer une technique spécifique pour travailler avec l’élément associé aux dieux et aux ancêtres.

Danso a toujours aimé les arts, il a fait ses études primaires et secondaires en réfléchissant au meilleur moyen pouvant lui permettre de faire sortir toutes les images et toutes ces couleurs qui bourdonnent dans son esprit.

En 2012, le jeune homme réalise sa première œuvre intitulée “The Sunset on the north” (Le coucher du soleil au nord). Il vit à Worawora, une localité de la région dans laquelle il est né.

Dans sa famille, ses pulsions artistiques et son mode d’expression surprennent. Bright Se confiant à Blawo, Danso a plusieurs fois répété : “j’utilise l’art pour communiquer avec le monde”. Sa grand-mère et sa mère ont besoin de temps pour comprendre que le jeune homme a choisi la voie artistique pour faire entendre sa voix.

L’usage du feu semble logique lorsqu’on sait qu’en pays Akan, les noms ont une signification. L’artiste connu sous le nom Bright Danso est appelé Kwamé par sa famille. Ce prénom fait partie de son état-civil. Kwamé est un des patronymes que les Akan associent au (sunday) jour du soleil. Ce dernier étant le seul astre perpétuellement en feu dans la voie lactée.

Souvent, l’on parle du feu sous la glace, mais Bright Danso n’a rien de froid. Le regard pétillant, il sourit souvent, dévoilant des dents du bonheur. Normal que le jeune homme choisisse le bois connu pour sa vitalité et sa chaleur pour réaliser la plupart de ses œuvres.

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Les trois axes du travail pyrographique de Danso

“Je ne suis pas influencé par d’autres artistes Africains” clame Bright Danso. Deux raisons l’expliquent :
● D’une part, parce que peu d’artistes utilisent la pyrographie en Afrique.
● D’autre part, parce que la technique développée par le jeune ghanéen est mixte.

La palette technique de “King Amenophis”, un des noms d’artistes de Danso, varie selon le type d’œuvres qu’il veut réaliser.

Bright Danso Art Blawo

Travail sur du mobilier

Il arrive que Bright Danso choisisse de personnaliser du mobilier (bancs, tabourets, chaises, fauteuils…). Dans ce cas, il utilise un arc électrique. Ce dernier est obtenu grâce à deux électrodes ressemblant à celles reliant les deux bornes de la batterie que tous les automobilistes ont sous le capot de leur voiture.Pour que l’électricité aille de la borne positive à la borne négative en bouclant le circuit électrique, l’énergie passe par le bois en le brûlant. Mouiller le bois avec un liquide spécial, dont il a la formule, permet de rendre conductrice cette matière naturelle.

N’est-ce pas dangereux de mettre ensemble l’eau et l’électricité ?
“J’ai déjà subi plusieurs chocs électriques en travaillant” avoue Bright Danso. L’artiste voit dans chacune de ces secousses une occasion d’améliorer sa sécurité et son style. Bright Danso fait sienne la phrase d’Alfred de Musset “l’homme est un apprenti, la douleur est son maître et nul ne se connaît tant qu’il n’a pas souffert”.

Bright Danso Art Blawo

Réalisation d’un portrait

Lorsque King Amenophis veut dessiner un portrait, par exemple, il branche un fer à souder. Ce dernier est utilisé comme un pinceau sur une pièce de bois souvent sèche sur laquelle une esquisse a préalablement été réalisée. Le tracé des lignes semble simple. En revanche, la réalisation des volumes est impressionnante. En effet, tout est une question de pression. Si l’artiste pose légèrement son instrument, la teinte obtenue est brune/caramel. S’il applique son instrument avec insistance, la teinte obtenue est marron-clair/marron-foncé voire noire.

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Travail sur l’arrière-plan

Quand il s’agit de réaliser la couleur de fond d’une œuvre, Bright Danso saisit son chalumeau après avoir vissé une petite bonbonne de gaz sous l’instrument. Une fois l’outil allumé grâce à un briquet, la flamme produite vient lécher le bois en le noircissant.

Le travail sur l’arrière-plan de certaines des œuvres du jeune ghanéen est effectué en plaçant divers embouts sur le fer à souder lui servant à dessiner. Cela permet par exemple d’aligner des motifs circulaires ou rectangulaires selon les désirs du jeune créateur.

La naissance des œuvres

Comme la plupart des jeunes de son âge, le fils de Maman Okobea a souvent des écouteurs vissés aux oreilles. C’est au rythme de titres tels que “Symphonies” de Roddy Rich, “Beach Don’t Kill My Vibe” de Kendrick Lamar ainsi que tous les titres de “Black Love album” de Sarkodie que Bright Danso projette sur le bois des idées nées plusieurs heures ou jours avant.

Bright Danso réalise en moyenne une œuvre et demi par mois depuis sa première création achevée en 2012. Son travail artistique commence toujours par quelques notes prises sur sa tablette à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit.

“Je laisse les idées que je note grandir, pousser comme des plantes, puis je reviens les explorer, les améliorer, les redécouvrir avant de commencer la phase de réalisation” explique Bright Danso. La phase “opérationnelle” dépend de la taille de l’œuvre. Un portrait de 60*40 centimètres est le plus souvent achevé en 5 à 7 jours. Le délai peut atteindre 14 à 30 jours s’il s’agit d’une œuvre XXL. L’artiste ne s’impose aucun délai. Il travaille avec acharnement pendant 4 à 8 heures par jour jusqu’à sentir que l’œuvre est terminée.

Bright Danso Art Blawo

Les trois créations inoubliables

Parmi les 150 œuvres que Bright Danso a réalisé, au moins 3 lui ont laissé un souvenir indélébile.

D’abord, il y a “Black UniTec”. Bright Danso a figé ses doutes, ses craintes, mais aussi ses espoirs dans cette œuvre dont le message fondamental est : les apparences peuvent être trompeuses. L’artiste invite à approcher l’autre avant de s’en faire une opinion. Autrement dit, “il faut éviter d’adopter des idées reçues et de juger sans connaître” explique-t-il le regard pétillant quand il repense à cette création.

Ensuite, il y a un tableau dont le titre est “Legacy”. Cette œuvre explore le passé, le vécu des ancêtres du jeune ghanéen. Cette création rend hommage aux efforts de ces générations, célèbre leur courage, leur sens du sacrifice. Tant de qualités qui ont permis aux générations actuelles d’être ce qu’elle sont : de bénéficier de la liberté d’expression, d’avoir de l’estime de soi, de se sentir dignes et respectées par la société.

Enfin, sa troisième œuvre inoubliable a pour titre “Cage of Liberty”. Elle s’adresse aux contemporains de l’artiste. Le tableau les encourage à briser les chaînes mentales que d’autres voudraient mettre aux Africains (d’)aujourd’hui. Chaque fille ou fils d’Afrique doit comprendre qu’il a de la valeur, qu’il est porteur d’un trésor, d’un talent que personne d’autre ne pourra exprimer de la même façon. “#AfricaMatters (l’Afrique compte), nous devons en avoir conscience et agir pour que cela devienne notre quotidien” explique Bright Danso.

Les projets pour le futur et le regard sur la société

“La politique prend trop de place en Afrique” clame King Amenophis avant d’ajouter qu’il souhaite que cela change. L’artiste n’accorde que peu d’importance à la politique. À la question “y’a-t-il un leader politique qui vous a marqué ?”, le jeune homme répond “oui, le président du Rwanda” sans pouvoir précisément nommer Paul Kagamé. “J’aime ce bonhomme sans savoir pourquoi” essaye d’expliquer Bright Danso. Puis, il émet une théorie : “… peut-être qu’il me marque parce qu’il semble plus penser au futur du Rwanda et de l’Afrique qu’au présent de son pays et du continent”.

Bright Danso Art Blawo

Cette place accordée au futur est aussi perceptible dans les projets de Bright Danso. Il veut un changement de perception “nous les artistes africains devons créer un marché afin que des citoyens d’autres continents viennent acheter nos œuvres en Afrique en payant le juste prix”. Selon le jeune ghanéen, cela permettra d’une part d’augmenter les revenus des pays africains. D’autre part, cela permettra d’améliorer la perception des métiers artistiques dans les familles. “Nous artistes africains devons être perçus comme des créateurs de richesse”. Son projet est de créer dans 10 ans une académie rassemblant les artistes du Ghana et progressivement, de toute l’Afrique. Cette académie sera un lieu “favorisant l’innovation”, principal moyen d’augmenter la valeur ajoutée des œuvres produites sur le continent.

Par Thomas Ayissi.