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Claudy Khan… "Artiste peintre congolais inspiré par la Femme."

Published on : juin 25, 2020By : Thomas Ayissi

Tombé dans le dessin dès l’enfance comme Obélix dans la potion magique, devenu peintre avant de s’en rendre compte, cet artiste formé aux Beaux-Arts de Kinshasa et de Lubumbashi possède, depuis 2015, deux ateliers : l’un en République Démocratique du Congo natale, l’autre en France, à Paris où il réside. Portrait d’un artiste aux trois origines : congolaise, belge et brésilienne.

Femmes et couleurs

Celui qui deviendra sexagénaire en 2018 démontre dans ses œuvres un penchant marqué pour la beauté, au fil de ses toiles, explosions de couleurs entre réalisme et onirisme.

“L’Afrique est mon expression principale, je pense que les premiers pas que l’on fait sur terre sont ceux qui nous marquent le plus, je regarde le monde avec mes yeux d’Afrique.” En le disant, Claudy Khan met en lumière l’un des principaux points commun à toutes ses œuvres.

Mais le second est bien la femme ! « Quoi de plus beau que la Femme, la Mère, sans elle, le monde n’est rien. »
Les mères de l’humanité sont quasiment sur tous les tableaux de l’artiste congolais. Qu’elles soient héroïnes vindicatives, fées évanescentes, déesses surpuissantes ou plus simplement amantes aux yeux emplis d’affection et aux lèvres offertes, les femmes sont sur la majorité des immenses toiles de Claudy Khan dont les moins chères coûtent 3 500$ US (environ 3 190 Euros, 2 089 500 F CFA).

Le troisième point commun entre tous les tableaux de Claudy Khan est la couleur ou plutôt les couleurs. Qu’elles soient chaudes, rouge sang comme le liquide de vie ou blanc écarlate comme un reflet de lumière sur la neige, les couleurs sont nombreuses, fréquentes et particulièrement harmonieuses sur les œuvres de cet artiste qui fait essentiellement de la peinture à huile avec pastels, acrylique ou pastels. “Il y a des couleurs, pourquoi ne pas s’en servir surtout pour égayer le temps parfois gris en Europe et faire rebondir nos cœurs tels les tam-tam d’Afrique. Pour moi la couleur exprime en elle-même un état d’âme” explique-t-il.

Claudy Khan dessine depuis son enfance. C’est à 12 ans que ce fils d’un important Homme d’affaires entame sa première bataille contre son père pour obtenir le droit d’étudier aux Beaux-Arts de Lumumbashi. D’autres batailles suivront quand ce jeune métis ayant des liens de sang avec trois continents voudra aller s’installer en France.

Globalement, l’artiste a eu trois grandes périodes dans sa vie artistique : l’apprentissage émaillé des premières expositions réussies, puis la conquête du monde qui faillit tourner court. Enfin, l’installation de son second atelier en RDC, une espèce de retour au pays natal.

Les arts, un héritage et un conflit familial

Comme Monsieur Jourdain, le personnage de roman qui faisait de la prose sans le savoir, Claudy Khan est devenu dessinateur sans en avoir conscience.

L’enfant subit l’influence de deux artistes Pascal Lukussa et Moussa Diouf, respectivement oncle maternel et oncle paternel. Les nombreux voyages de son père permettent également au jeune Claudy Khan d’observer les villes et villages qu’il visite et de s’enrichir des différentes expressions culturelles qu’elles soient visuelles, sonores ou gustatives. Claudy Khan est aussi influencé par l’humanisme de sa mère, infirmière. Cette image de la femme qui donne la vie, qui soigne et apaise reste un point central de l’œuvre de l’artiste né en 1958.

L’enfance de l’artiste se déroule entre Kinshasa, Kisangani, Lubumbashi et plusieurs autres petits villages dans lesquels sont père agronome et entrepreneur possédait des plantations de café.
Globalement, Claudy Khan a une enfance paisible, à l’abri du besoin. La première véritable secousse familiale survient lorsque l’adolescent de 12 ans décide qu’il fera les Beaux-Arts et non la médecine comme le souhaite son père.
Le père refuse, le fils persiste. Claudy Khan claque la porte du domicile familial. Il part, mais maintient la pression sur son père grâce à la famille proche et éloignée. Son obstination finit par payer car finalement son père accepte de l’inscrire dans la filière qu’il a choisie.

Après 2 ans d’études, Claudy Khan a découvert et compris les techniques artistiques. Son ambition et son perpétuel désir d’émulation l’incitent à entamer de nouvelles négociations pour être inscrit aux Beaux-Arts de Kinshasa, la meilleure école artistique du pays dans les années 70. Cette seconde bataille sera gagnée plus facilement, à 14 ans Claudy est inscrit aux Beaux-Arts de Kinshasa où il passe 4 années et obtient son diplôme des Humanités Artistiques.

Premiers succès, grosses ambitions et premières galères

A 17 ans, Claudy Khan expose pour la première fois ses tableaux à l’hôtel Okapi de Kinshasa. C’est un succès ! Toutes les toiles sont vendues. Ayant le sentiment d’avoir conquis son pays, Claudy Khan se met à rêver d’expositions dans le reste du monde. Mais ce n’est pas en Belgique, l’un des pays d’où il est originaire qu’il s’installera : “Je me suis d’abord inscrit en Architecture à Montréal, au Canada, mais je me suis arrêté en France pour rendre visite à des amis à Nantes, je n’ai plus continué mon voyage car je me suis inscrit en Architecture.”

Cette première année très loin de sa famille sera difficile car il n’est pas boursier. Claudy survit en donnant des cours de dessin et en peignant des portraits, mais à sa grande surprise, ses toiles n’intéressent plus le public. Après une période de questionnement et d’introspection, Claudy comprend enfin le problème lorsqu’un français lui demande : “pourquoi peignez-vous des noirs ?”

Le jeune homme réalise qu’en tant que métis, il a continué à suivre son fil créatif sans tenir compte du profil du marché dans lequel il vit désormais. Claudy Khan s’en souvient avec un petit sourire et résume son ressenti : “En Afrique je vendais tout…aux touristes européens ! En Europe je ne vendais pas … le touriste c’était moi ! Il a donc fallu que je puisse “écrire” ma peinture de sorte que ce même européen puisse me lire et non pas ramener un souvenir d’Afrique.”

Claudy attend avec impatience la période des congés universitaires. De retour à Kinshasa, il fait une nouvelle exposition : nouveau succès. L’argent issu de la vente des tableaux permettra à Claudy de vivre pendant les deux années suivantes en Europe et d’y poursuivre ainsi ses études d’architecture.

Évolutions des techniques artistiques

Au début de son apprentissage, Claudy Khan a cherché son style en essayant plusieurs techniques : “J’ai tout exploré : peinture au couteau, au pinceau, avec aérographe, à huile, pastel, fusain, acrylique. J’ai aussi essayé différents supports : toile et papiers. Je pense qu’il est bon de tout tester quand on veut trouver son outil de prédilection.”

En termes de création proprement dite, jusqu’en 2008 Claudy Khan partait d’une image qui lui venait à l’esprit. Il s’efforçait de représenter aussi fidèlement que possible ce que sa sensibilité avait perçu.

Mais depuis 2008, l’artiste travaille simultanément sur plusieurs tableaux. D’abord, il laisse couler la peinture sur les toiles préparées. Ensuite, Claudy bouge les toiles pour laisser les couleurs et les teintes se mélanger, formant des effets et des défauts. L’artiste laisse sécher les œuvres puis les observe et se laisse envahir par “ce que la peinture veut lui révéler.” Le tableau final est donc inspiré par les couleurs selon l’artiste.

Ce style de travail explique sa réponse quand on lui demande quels sont les messages véhiculés par ses tableaux. Claudy dit : “Ouvrez les yeux, lisez en vous et vous verrez !”

Par Thomas Ayissi.