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Samba Diallo… "La vie en couleurs, mosaïques et reliefs."

Published on : juillet 13, 2020By : Thomas Ayissi

Samba Diallo painting Blawo

La couleur c’est la vie, explique de sa voix puissante Samba Diallo au milieu de la vingtaine de toiles de l’exposition « Soleil d’Afrique » tenue en décembre 2017 à Dakar. Le physique de basketteur de l’artiste autodidacte revendiqué et assumé est proportionnel à la taille de ses toiles.

Venu au monde 2 ans avant les années 68, période de contestation de la jeunesse au Sénégal et en France, deux pays dans lesquels l’artiste a une partie de sa famille, Samba Diallo a reçu le don du dessin. Le natif de la Médina, non loin du centre administratif de Dakar au Sénégal dit avoir toujours dessiné, seuls ont changé les supports.

Samba Diallo est resté constant dans son amour de l’art malgré le manque d’optimisme d’une partie de sa famille. Aujourd’hui, l’artiste savoure le chemin parcouru, aide depuis 10 ans des jeunes artistes et tient à transmettre un legs artistique à son plus jeune fils avec lequel Samba partage l’amour des pinceaux et du basket.

Enfance d’illustrateur et de basketteur, puis émerveillement à St Louis

Pendant sa tendre enfance, longtemps avant de vendre ses toiles en France et au Sénégal, Samba Diallo fut un dessinateur bénévole. Les élèves venaient de tous les coins de sa Médina natale et du quartier Liberté 6 où il a grandi pour lui confier des cahiers à décorer. Ces derniers étant exigés aux candidats au concours d’entrée en 6e et au Certificat de Fin d’Etudes Elémentaires (CFEE).

Ce fervent disciple de l’influente confrérie Mouride n’a pas appris à peindre chez un maître. « Dans ma famille, l’on raconte qu’un oncle que je n’ai pas connu fut peintre » confesse Samba qui s’est formé en observant d’autres tableaux et surtout en s’inspirant de l’œuvre la plus belle : la création divine. « Les couleurs c’est la vie, j’aime les couleurs comme j’aime le soleil, ce symbole visuel et spirituel ».

Samba Diallo se souvient de ses premières toiles, enfin, de ses premiers dessins réalisés sur du contreplaqué ! « J’étais convaincu de faire des chefs d’œuvre, mais c’était du travail réalisé avec plus de passion que de technique » lance-t-il sans appel le regard apaisé abrité derrière des lunettes de vue.

L’esclavage était l’un des thèmes des deux œuvres que Samba transporta sur 260 kilomètres entre Dakar et Saint Louis du Sénégal pour les présenter à Jacob Yacouba. C’était en 1985. « Quand je suis entré dans son atelier, j’ai, plus que jamais, été conforté dans mon désir d’être peintre ! C’était une salle magnifique, vaste et impressionnante ! Il y avait de grands tableaux de 2m, des hectolitres de vraie peinture et surtout de belles toiles. »

Samba Diallo painting Blawo

Jacob Yacouba prit le temps d’observer les dessins sur contreplaqué du jeune Samba Diallo, donna au jeune homme plusieurs conseils techniques et conclut par une injonction que l’artiste applique toujours : travailler plus !

Outre le dessin, Samba Diallo aime le basket, il joue à SICAP Liberté 5, il poursuit sa carrière en jouant au collège Jeanne d’Arc, établissement rejoint après un échec au CFEE dans l’enseignement public. Le jeune homme suivra ce cursus sport-études, jouant en junior, cadets, seniors, apprenant au passage le dessin bâtiment et sortant souvent ses feutres pour dessiner ses amis et camarades de classe.

30 ans pour trouver son style artistique

Des portraits, de l’abstrait, du mi-figuratif, du mi-abstrait, la peinture au café et bien d’autres styles artistiques, Samba Diallo a tout essayé dans sa jeunesse. « Quand une œuvre me plaisait, mentalement j’étais convaincu de pouvoir faire mieux, j’essayais et je pense avoir souvent réussi à comprendre la technique, même si j’ai détruit quelques toiles, supports et gaspillé pas mal de temps et de peinture pendant mon auto-formation. »

Samba Diallo painting Blawo

Au sens propre comme au sens figuré, l’art prend de plus en plus de place dans la vie de Samba Diallo. Les toiles s’accumulent dans la maison familiale où la priorité est plutôt donnée à l’étude des sciences. Au sein de la fratrie riche de 8 enfants : 3 garçons et 5 filles, l’on désapprouve l’orientation artistique sans perdre espoir que Samba passe à autre chose en grandissant.

Cet espoir est brisé lorsque le jeune collégien arrête les études pour se consacrer à la peinture. Décision annoncée peu avant sa première exposition collective en 1987 au Centre Culturel Blaise Senghor.

Ce premier saut véritable dans le milieu artistique professionnel laisse à Samba un sentiment mitigé : « plusieurs visiteurs de l’exposition ont apprécié mon travail, mais je n’ai pas vendu de toiles »

Deux ans après des œuvres de Samba Diallo sont sélectionnés par l’Unicef, entretemps, sa sœur ainée quitte la maison familiale pour rejoindre son domicile conjugal, elle emporte deux toiles.

TV5 la grande opportunité

Ces deux tableaux seront remarqués par Mactar Sylla alors directeur de TV5 Afrique. L’homme de médias décèle le potentiel de l’artiste et le contacte. « Un dimanche matin, je vois des caméras de TV5 qui débarquent à la maison familiale pour m’interviewer » raconte Samba Diallo qui se souvient avoir été heureux de sentir son travail reconnu.

Samba Diallo painting Blawo

Mactar Sylla lui achète 2 toiles « l’une n’était pas terminée, mais Mactar a payé comptant et m’a dit de la lui livrer après l’avoir terminée »

L’histoire avec TV5 continuera car quelques mois après le reportage télévisé toujours en 1995, des cartes peintes par Samba sont acquises par Mactar Sylla pour TV5. « J’ai vu le regard de ma famille changer, ils comprenaient enfin que l’art pouvait apporter argent et notoriété. »

Gagnant en assurance, Samba continue d’apprendre, de perfectionner sa technique en faisant des reliefs et des mosaïques sur ses tableaux. « Je peignais tout ce qui me venait à l’esprit. J’étais un peu rebelle. Certains essayaient de me recadrer, je ne leur obéissais pas, farouchement attaché à ma liberté d’expression, je faisais ce que j’avais envie de faire. »

A cette époque, Samba Diallo est si immergé dans son art qu’il a des « reflux d’images » pendant son sommeil. « J’ai cru perdre la raison ! » ajoute-t-il quand il se souvient de cette période singulière. Il expose à l’ambassade du Canada, puis en 2002, fait sa première exposition individuelle au Centre Culturel Blaise Senghor. En 2004, son frère cadet vivant en France est de passage à Dakar pour les vacances et report avec des toiles. Le travail séduit des européens qui conseillent au frère de Samba de le faire venir en France.

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Hexagone : gros succès et petites galères

En 2006, ayant obtenu un visa pour aller à la foire de Cergy, Samba Diallo quitte Dakar. Pendant cet évènement, il vend une vingtaine de toiles. « C’était inouï ! Mes œuvres avaient un succès fou, dès que je terminais une toile, elle était achetée. »

Après la foire en mai, les œuvres de Samba Diallo séduisent Christian Pierret ancien ministre et ancien maire. S’en suivent plus d’une vingtaine d’expositions, Samba est invité au festival international d’hagiographie au musée Pierre Noel.

Les œuvres de Samba voyagent au gré des expositions : Paris, Biaritz, Dax, Vittel, Bruxelles. Le 15 décembre 2015, Samba Diallo revient au Sénégal, l’artiste expose 22 toiles à la galerie nationale. Le thème est tout trouvé : « retour aux sources »

Deux ans jour pour jour après, Samba Diallo présente une vingtaine de toiles à la galerie Kemboury. Thème de l’expo : « soleil d’Afrique. »

L’une des blessures dont l’artiste se souvient a eu lieu en 2016. Samba Diallo apprend que son travail a séduit d’autres amateurs d’art français, tout se passe bien jusqu’à ce que le mécène qui veut l’exposer découvre que l’artiste est un noir. « J’avais besoin d’un visa pour aller en France, d’abord j’ai senti l’enthousiasme de ce mécène baisser, puis suite à mes appels il est carrément devenu cassant, enfin il a rompu tout contact après avoir clairement précisé sa pensée, il ne voulait pas m’exposer parce que j’étais noir ! »

Samba Diallo painting Blawo

Projets futurs : formation, transmission et exposition itinérante

Samba Diallo a commencé à transmettre sa passion pendant toute la période où son atelier se trouvait au centre socio-culturel de SICAP Liberté 5. L’artiste a encadré des plus jeunes, leur a offert des chevalets, des toiles, de la peinture et parfois des contacts afin qu’ils puissent exposer leurs œuvres.

Depuis son retour au Sénégal, le principal atelier de l’artiste est dans son domicile au quartier Sacré-Cœur. « En général, j’ai des amis à la maison chaque soir, mais il m’arrive de les abandonner au salon pour aller peindre » explique-t-il.

Faire une grande exposition itinérante sur la paix, cela demeure un de ses projets mais Samba Diallo évite de donner trop de détails, tout juste dit-t-il qu’il s’agira de montrer comment sur plusieurs continents, des hommes illustres ont œuvré pour la concorde universelle en résistant à la haine d’où qu’elle vienne.

Samba n’est pas exclusivement peintre, en France, il a fait de la sculpture à partir de la récupération. L’artiste souhaite passer à la sculpture sur fer, dans un style lui permettant de se démarquer.

Par Thomas Ayissi.